Le Califat de Médine :
  Les Califes "bien guidés" (rashidun)

Sommaire :


1-Le Califat d'Abu Bakr al-Siddiq : 632-634


À la mort du prophète Muhammad, en juin 632, se posa la question de sa succession. Il n'avait pas laissé d'héritier mâle et n'avait désigné personne pour lui succéder. Au Conseil des sages, qui s'était réuni pour désigner le futur successeur, des clans commencèrent à se former, pour soutenir tel ou tel candidat, parmi les Ansârs, les partisans médinois, et les Muhâdjirûn, les Mecquois convertis qui ont suivi le Prophète ; et parmi ces derniers, il faut distinguer les "légitimistes", qui considèrent que le pouvoir doit revenir à Ali, cousin et gendre du Prophète, et les Quraychites, groupés derrière Abû Sufyân, qui fut longtemps adversaire de Muhammad avant d'adhérer à l'Islam. Mais Umar mit fin à ce début de dissension, en persuadant le Conseil de nommer Abu Bakr, un des premiers compagnons du Prophète et de plus son beau-père ; c'est également lui, dit-il, qui fut désigné par Muhammad, mourant, pour conduire à sa place le Pèlerinage et diriger la prière. C'est preuve qu'il en était le plus digne. Il prit alors le titre de "Khalifat al-Rasûl Allah" (successeur de l'Envoyé de Dieu) ou Calife. De cette action improvisée devait naître une des grandes institutions de l'Islam : le "Califat", organe suprême du pouvoir souverain dans le monde musulman.

Abu Bakr est né à La Mecque vers 570. C'est un riche commerçant membre d'un clan de la tribu Qurayche. Cet homme pieux, bon et généreux, fut donc le premier Calife de l'Islam, ou successeur de l'Envoyé de Dieu, chargé de guider la Umma, communauté des Croyants ; mais son règne fut bref, puisqu'il ne dura que deux années. Il eut, néanmoins, le temps de réaliser l'unité de la Péninsule, consolider l'État musulman naissant, et d'initier l'expansion de l'Islam hors des frontières nord de l'Arabie.

À la suite de la disparition du Prophète, s'élevèrent des mouvements de contestation chez les Bédouins, qui se diffusa dans toute l'Arabie. C'est la période de la "Grande Apostasie" ou Ridda, qui avait suivi en Arabie l'annonce de la disparition de Muhammad. Abû Bakr doit alors maîtriser les révoltes des tribus du Hedjaz et du Najd ; la première rejetant l'Islam et la seconde refusant de payer la zakât ou aumône légale. La tribu des Banû Tamîm, menée par la prophétesse Sadjâh, et menaçant Médine, fut vaincue par le chef militaire Ikrima. Mais la plus sérieuse opposition vint du pseudo-prophète Musaylima, membre des Banû Hanifa, qui sera vaincu par Khalid ibn al-Walid à la bataille d'al-Yamâma. Cette bataille, qui vit la mort de Musaylima, fut également meurtrière pour les Musulmans, puisque pas moins de 1200 d'entre eux, dont 39 grands compagnons et 70 maîtres-récitateurs du Coran, y perdirent la vie. À la suite de ces pertes, Umar incita Abû Bakr à envisager la préservation des versets révélés. Et c'est à Zayd ibn Thâbit al-Ansâri, secrétaire du Prophète, qu'échut la tâche de compiler l'ensemble des versets en un seul livre, en recueillant, pour la première fois, les fragments de texte éparpillés que les secrétaires du Prophète avaient notés, et en faisant appel à ceux qui connaissaient par coeur l'intégralité du "Texte Sacré". Ce livre, une fois achevé, fut confié à Hafsa, une des épouses de Muhammad et fille de Umar ibn al-Khattâb.

En 633, la tâche de pacification faite, Abu Bakr entraîna ses généraux à la conquête de l'Arabie tout entière et à déclencher, au cours du printemps ou de l'été de la même année, l'offensive contre les deux grands empires de l'époque, la Perse et Byzance. Khalid ibn Walid, le triomphateur de la Ridda, avec une partie des troupes qui lui avaient servi à réprimer la sécession de la péninsule, rejoignit al-Muthanna ibn Haritha, sur l'Euphrate, et à eux deux, ils envahirent le royaume de al-Hirâ ; la résistance des souverains Lakhmides capitula au bout de quelques semaines. Al-Hirâ cessa dès lors de jouer un rôle historique et fut supplantée par la nouvelle métropole arabe de Kufa que les vainqueurs devaient édifier à proximité, quelques années plus tard.
Simultanément, sur le front perse, Abu Bakr envoya trois colonnes, d'environ 3.000 hommes chaqu'une, en direction du Nord. Deux d'entre elles, sous le commandement de Yazid ibn Abi Sufyân et de Shurahbil ibn Hassana, marchèrent sur la Transjordanie par la piste habituelle de Tabûk-Maân, tandis que la troisième, commandée par Amr ibn al-Aç, s'apprêtait à suivre la voie côtière et envahir la Palestine par le Sud. C'est au mois de février 634, en Palestine méridionale, que l'armée byzantine se heurta aux troupes commandées par Yazid ibn Sufyân, bientôt rejoint par Amr ibn al-Aç. Dans le wadi Araba d'abord, au sud de la mer morte, puis dans les environs de Gaza, les Arabes repoussèrent, puis anéantirent, un corps de troupes venant de Césarée. Ensuite, ils parcoururent et dévastèrent tout le sud de la Palestine. L'Empereur Héraclus se hâta d'expédier depuis Émèse (Homs) où il résidait, une importante armée commandée par son propre frère, Théodore, pour repousser l'envahisseur. Mais, pendant qu'elle traversait la Syrie du Nord au Sud, un nouvel ennemi fondit sur elle à l'improviste près de Damas. C'était Khalid ibn al-Walid, le général en chef. Quittant le front iraquien, laissant le commandement des opérations à al-Muthanna, il accourait en Syrie sur l'ordre du calife Abu Bakr. Il apportait, à ses compatriotes, qui s'apprêtaient à subir le choc massif de l'ennemi, la force de son génie, son talent d'organisation, sa supériorité morale. Il prit alors la direction des opérations, et, en juillet 634, les troupes arabes rencontrèrent l'armée byzantine à Ajnadayn, au sud-ouest de Jérusalem et remportèrent une brillante victoire. Cette victoire fut pour la Palestine ce que Quadisiyya sera plus tard pour l'Iraq : elle inaugurera vraiment l'ère de domination arabe en Terre Sainte, qui devait durer, avec l'intervalle des croisades, pendant 13 siècles. Jérusalem, cependant, ne tomba pas tout de suite aux mains des Arabes. C'était également le début de la conquête en Syrie.
Peu après la victoire d'Ajnadayn, le 23 août 634 (22 djumâdâ II), Abû Bakr al-Saddiq s'éteignit à Médine et c'est sur son lit de mort qu'il aurait choisi Umar ibn al-Khattâb pour lui succéder. Il est enterré dans une chambre attenante à la "Mosquée du Prophète", Masjid al-Nabawi, à Médine, à droite de la tombe de Muhammad.


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2-Le Califat de Umar ibn al-Khattâb : 634-644


Umar ibn al-Khattâb, né en 584 à La Mecque, issu du clan des Banû Adi, de la tribu de Quraysh, est l'un des compagnons du Prophète Muhammad, dont il était le beau-père par sa fille Hafsa. Physiquement, il était grand et fort et un lutteur redoutable. C'était, également, un orateur talentueux, intelligent et doté d'un certain charisme. Il prend le pouvoir à Médine à la mort d'Abû Bakr en 634, et obtient le consentement des membres de la communauté musulmane (la Umma) qu'il dirigea pendant 10 ans. Il est le premier calife à être appelé "amir al-mûminîn" (commandeur des Croyants).
Durant sa hijjra à Médine, il participa à toutes les batailles qui opposèrent les Musulmans aux Qurayches de La Mecque, depuis Badr jusqu'à la conquête de La Mecque en 630 sous les ordres du Prophète. Il participa, également, à la bataille de Tabûk en 631, à la frontière avec l'Empire byzantin, sous le commandement du Prophète, qui avait fait le projet de convertir par les armes les populations extérieures à l'Arabie et qui servit, par la suite, à entraîner le mouvement des grandes conquêtes.

Durant le califat d'Abu Bakr, il était l'un des principaux conseillers du calife et son secrétaire. Il fut, également, avec Khalid Ibn Walid, l'un des principaux architectes et stratèges lors de la lutte contre la rébellion en Arabie, à la mort du Prophète. C'est, également, lui qui conseilla Abû Bakr de compiler les différents versets du Coran, afin de les réunir sous forme d'un livre, à la suite de la mort de nombreux maîtres-récitateurs lors de la bataille d'al-Yamâma.

Au cours de ces dix années de califat, les opérations de conquêtes, commencées déjà sous Abû Bakr, connaîtront une grande expansion en Syrie, en Iraq, en Iran et en Égypte. Un empire se constitue alors : l'Empire arabo-musulman. Ce fut la période des conquêtes rapides, qui permirent à l'Islam de se propager loin des frontières naturelles de la Péninsule arabe. À la fin de son règne, toute l'Arabie, une partie de l'Empire sassanide et les provinces syriennes et égyptiennes de l'Empire byzantin avaient été conquises ; le reste des territoires perses fut occupé peu après.


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3-Le Califat d'Uthman ibn Affân: 644-656


Aristocrate mecquois et riche homme d'affaires, né en 576 à Taïf. C'était un compagnon et gendre du Prophète, seul Musulman de la première heure issu du clan des Banû Umayya. Sans grande personnalité, il n'avait d'autre prestige que sa piété. Faible de caractère, il n'inspirait pas le même respect que ses deux prédécesseurs. Sa désignation était la victoire de l'oligarchie marchande mecquoise des Quraychites, et parmi elle du clan des Banû Umayya, ralliée de la dernière heure, après avoir combattu le Prophète, et qui entendait profiter au maximum de l'accession de l'un des leurs à la plus haute charge de l'État.

Il fit partie, avec sa première épouse, Ruqayya, fille du Prophète, du petit contingent de Croyants qui se réfugia en Abyssinie, en 615, alors que la situation de la Communauté musulmane était des plus critiques. Revenu de cet exil pour émigrer à Médine avec les autres Musulmans de La Mecque, il n'est pas du premier combat majeur de l'Islam naissant, celui de Badr ; il doit veiller, sur ordre du Prophète, sa femme malade. Elle devait d'ailleurs mourir et enterrée lorsque le Prophète rentre de la bataille. Plus tard, il épouse une autre fille du Prophète, Umm Kalthum.

S'il a été absent au grand combat fondateur de Badr, il fut, cependant, un intermédiaire précieux entre les Quraychites et le Prophète, particulièrement les Banû Umeyya, lorsque Muhammad se prépare à revenir triomphalement à La Mecque, dans les dernières années de sa vie. Il aurait également participé aux côtés du Prophète à la bataille de Tabûk contre les Byzantins.


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4-Le Califat d'Ali ibn Abû Talib : 656-661


Après l'assassinat d'Uthman, la situation est trouble : les renforts umeyyades, envoyés par Muâwiya, étaient repartis vers la Syrie, les partisans du calife défunt s'étaient enfuis de Médine. Ali ibn Abû Talib allait bénéficier de la situation et réaliser enfin son rêve : être Calife.
Ali est le fils d'Abû Talib, oncle du Prophète, il est né vers 600, à La Mecque, une dizaine d'années avant le début de la mission prophétique de Muhammad. Il a été à la fois le protégé, le cousin, le disciple et le gendre de Muhammad, en épousant sa fille Fatima, née de sa première épouse Khadidja, en 622. Il fut proclamé Calife à Médine, après l'assassinat d'Uthman, avec l'appui des Ansârs qui, profitant du désarroi des Umeyyades, portèrent au pouvoir un adversaire d'Uthman. C'était la revanche des Médinois sur les Mecqois. Ali était donc l'élu des révoltés. Mais cette accession au pouvoir, dont il rêvait depuis la mort du Prophète, se faisait dans des conditions difficiles ; il héritait d'une fonction amoindrie par le règne d'Uthman et il passera cinq ans dans la cité de Kûfa sans trop régner.

Généalogie de la Famille alide

Carte de l'Expansion de l'Islam sous Muhammad et les 4 premiers Califes


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