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À la mort du prophète Muhammad, en juin 632, se posa la question de sa succession. Il n'avait pas laissé d'héritier mâle et n'avait désigné personne pour lui succéder. Au Conseil des sages, qui s'était réuni pour désigner le futur successeur, des clans commencèrent à se former, pour soutenir tel ou tel candidat, parmi les Ansârs, les partisans médinois, et les Muhâdjirûn, les Mecquois convertis qui ont suivi le Prophète ; et parmi ces derniers, il faut distinguer les "légitimistes", qui considèrent que le pouvoir doit revenir à Ali, cousin et gendre du Prophète, et les Quraychites, groupés derrière Abû Sufyân, qui fut longtemps adversaire de Muhammad avant d'adhérer à l'Islam. Mais Umar mit fin à ce début de dissension, en persuadant le Conseil de nommer Abu Bakr, un des premiers compagnons du Prophète et de plus son beau-père ; c'est également lui, dit-il, qui fut désigné par Muhammad, mourant, pour conduire à sa place le Pèlerinage et diriger la prière. C'est preuve qu'il en était le plus digne. Il prit alors le titre de "Khalifat al-Rasûl Allah" (successeur de l'Envoyé de Dieu) ou Calife. De cette action improvisée devait naître une des grandes institutions de l'Islam : le "Califat", organe suprême du pouvoir souverain dans le monde musulman.
Abu Bakr est né à La Mecque vers 570. C'est un riche commerçant membre d'un clan de la tribu Qurayche. Cet homme pieux, bon et généreux, fut donc le premier Calife de l'Islam, ou successeur de l'Envoyé de Dieu, chargé de guider la Umma, communauté des Croyants ; mais son règne fut bref, puisqu'il ne dura que deux années. Il eut, néanmoins, le temps de réaliser l'unité de la Péninsule, consolider l'État musulman naissant, et d'initier l'expansion de l'Islam hors des frontières nord de l'Arabie.
À la suite de la disparition du Prophète, s'élevèrent des mouvements de contestation chez les Bédouins, qui se diffusa dans toute l'Arabie. C'est la période de la "Grande Apostasie" ou Ridda, qui avait suivi en Arabie l'annonce de la disparition de Muhammad. Abû Bakr doit alors maîtriser les révoltes des tribus du Hedjaz et du Najd ; la première rejetant l'Islam et la seconde refusant de payer la zakât ou aumône légale. La tribu des Banû Tamîm, menée par la prophétesse Sadjâh, et menaçant Médine, fut vaincue par le chef militaire Ikrima. Mais la plus sérieuse opposition vint du pseudo-prophète Musaylima, membre des Banû Hanifa, qui sera vaincu par Khalid ibn al-Walid à la bataille d'al-Yamâma. Cette bataille, qui vit la mort de Musaylima, fut également meurtrière pour les Musulmans, puisque pas moins de 1200 d'entre eux, dont 39 grands compagnons et 70 maîtres-récitateurs du Coran, y perdirent la vie. À la suite de ces pertes, Umar incita Abû Bakr à envisager la préservation des versets révélés. Et c'est à Zayd ibn Thâbit al-Ansâri, secrétaire du Prophète, qu'échut la tâche de compiler l'ensemble des versets en un seul livre, en recueillant, pour la première fois, les fragments de texte éparpillés que les secrétaires du Prophète avaient notés, et en faisant appel à ceux qui connaissaient par coeur l'intégralité du "Texte Sacré". Ce livre, une fois achevé, fut confié à Hafsa, une des épouses de Muhammad et fille de Umar ibn al-Khattâb.
En 633, la tâche de pacification faite, Abu Bakr entraîna ses généraux à la conquête de l'Arabie tout entière et à déclencher, au cours du printemps ou de l'été de la même année, l'offensive contre les deux grands empires de l'époque, la Perse et Byzance. Khalid ibn Walid, le triomphateur de la Ridda, avec une partie des troupes qui lui avaient servi à réprimer la sécession de la péninsule, rejoignit al-Muthanna ibn Haritha, sur l'Euphrate, et à eux deux, ils envahirent le royaume de al-Hirâ ; la résistance des souverains Lakhmides capitula au bout de quelques semaines. Al-Hirâ cessa dès lors de jouer un rôle historique et fut supplantée par la nouvelle métropole arabe de Kufa que les vainqueurs devaient édifier à proximité, quelques années plus tard.
Simultanément, sur le front perse, Abu Bakr envoya trois colonnes, d'environ 3.000 hommes chaqu'une, en direction du Nord. Deux d'entre elles, sous le commandement de Yazid ibn Abi Sufyân et de Shurahbil ibn Hassana, marchèrent sur la Transjordanie par la piste habituelle de Tabûk-Maân, tandis que la troisième, commandée par Amr ibn al-Aç, s'apprêtait à suivre la voie côtière et envahir la Palestine par le Sud. C'est au mois de février 634, en Palestine méridionale, que l'armée byzantine se heurta aux troupes commandées par Yazid ibn Sufyân, bientôt rejoint par Amr ibn al-Aç. Dans le wadi Araba d'abord, au sud de la mer morte, puis dans les environs de Gaza, les Arabes repoussèrent, puis anéantirent, un corps de troupes venant de Césarée. Ensuite, ils parcoururent et dévastèrent tout le sud de la Palestine. L'Empereur Héraclus se hâta d'expédier depuis Émèse (Homs) où il résidait, une importante armée commandée par son propre frère, Théodore, pour repousser l'envahisseur. Mais, pendant qu'elle traversait la Syrie du Nord au Sud, un nouvel ennemi fondit sur elle à l'improviste près de Damas. C'était Khalid ibn al-Walid, le général en chef. Quittant le front iraquien, laissant le commandement des opérations à al-Muthanna, il accourait en Syrie sur l'ordre du calife Abu Bakr. Il apportait, à ses compatriotes, qui s'apprêtaient à subir le choc massif de l'ennemi, la force de son génie, son talent d'organisation, sa supériorité morale. Il prit alors la direction des opérations, et, en juillet 634, les troupes arabes rencontrèrent l'armée byzantine à Ajnadayn, au sud-ouest de Jérusalem et remportèrent une brillante victoire. Cette victoire fut pour la Palestine ce que Quadisiyya sera plus tard pour l'Iraq : elle inaugurera vraiment l'ère de domination arabe en Terre Sainte, qui devait durer, avec l'intervalle des croisades, pendant 13 siècles. Jérusalem, cependant, ne tomba pas tout de suite aux mains des Arabes. C'était également le début de la conquête en Syrie.
Peu après la victoire d'Ajnadayn, le 23 août 634 (22 djumâdâ II), Abû Bakr al-Saddiq s'éteignit à Médine et c'est sur son lit de mort qu'il aurait choisi Umar ibn al-Khattâb pour lui succéder. Il est enterré dans une chambre attenante à la "Mosquée du Prophète", Masjid al-Nabawi, à Médine, à droite de la tombe de Muhammad.
Umar ibn al-Khattâb, né en 584 à La Mecque, issu du clan des Banû Adi, de la tribu de Quraysh, est l'un des compagnons du Prophète Muhammad, dont il était le beau-père par sa fille Hafsa. Physiquement, il était grand et fort et un lutteur redoutable. C'était, également, un orateur talentueux, intelligent et doté d'un certain charisme. Il prend le pouvoir à Médine à la mort d'Abû Bakr en 634, et obtient le consentement des membres de la communauté musulmane (la Umma) qu'il dirigea pendant 10 ans. Il est le premier calife à être appelé "amir al-mûminîn" (commandeur des Croyants).
Durant sa hijjra à Médine, il participa à toutes les batailles qui opposèrent les Musulmans aux Qurayches de La Mecque, depuis Badr jusqu'à la conquête de La Mecque en 630 sous les ordres du Prophète. Il participa, également, à la bataille de Tabûk en 631, à la frontière avec l'Empire byzantin, sous le commandement du Prophète, qui avait fait le projet de convertir par les armes les populations extérieures à l'Arabie et qui servit, par la suite, à entraîner le mouvement des grandes conquêtes.
Durant le califat d'Abu Bakr, il était l'un des principaux conseillers du calife et son secrétaire. Il fut, également, avec Khalid Ibn Walid, l'un des principaux architectes et stratèges lors de la lutte contre la rébellion en Arabie, à la mort du Prophète. C'est, également, lui qui conseilla Abû Bakr de compiler les différents versets du Coran, afin de les réunir sous forme d'un livre, à la suite de la mort de nombreux maîtres-récitateurs lors de la bataille d'al-Yamâma.
Au cours de ces dix années de califat, les opérations de conquêtes, commencées déjà sous Abû Bakr, connaîtront une grande expansion en Syrie, en Iraq, en Iran et en Égypte. Un empire se constitue alors : l'Empire arabo-musulman. Ce fut la période des conquêtes rapides, qui permirent à l'Islam de se propager loin des frontières naturelles de la Péninsule arabe. À la fin de son règne, toute l'Arabie, une partie de l'Empire sassanide et les provinces syriennes et égyptiennes de l'Empire byzantin avaient été conquises ; le reste des territoires perses fut occupé peu après.
Tandis que Umar accède au califat, Khâlid ibn al-Walid, avec un détachement de huit cents cavaliers, remonte vers le Nord ; il prend Bosra, la grande cité caravanière, le 25 février 635, et occupe la Ghûta, la plaine entourant Damas, mais, faute de machines, il ne peut attaquer efficacement la ville. Ce n'est qu'après six mois de siège que Damas finit par se rendre, après négociations, en septembre 635. Entre temps, la ville de Émèse (Homs) avait été occupée.
L'année suivante Héraclus, comprenant la gravité de la situation, rassembla une importante armée confiée à son frère Théodore. Les Musulmans se replièrent vers le Sud, abandonnant Homs et Damas, et s'établirent sur les rives du Yarmouk. C'est là que les Byzantins les attaquèrent. Les Byzantins furent écrasés (20 août 636) et ce succès marque la perte de la Syrie pour eux. À la fin de 636, Damas est occupée une seconde fois. Mais, en 637, Umar changea de chef des armées, remplaçant le général victorieux, le vainqueur de la bataille de Yarmouk, Khalid ibn al-Walid - par crainte probablement de le voir prendre trop d'importance au sein du monde musulman et surtout parmi les troupes - par Abû Ubayda ibn al-Jarrâh. Abû Ubayda gardera néanmoins Khalid à ses côtés un certain temps, jusqu'à son retour à Médine. Les armées musulmanes, commandées donc par Abû Ubayda, secondé par Khalid ibn al-Walid, prirent successivement
en 637 : Balbek, Tibériade, Homs et Hama ainsi que Shayzar sur l'Oronte.
Pendant toute la 17e année de l'Hégire (638), il n'y eut pas de campagne de conquêtes, car les Arabes étaient occupés à la construction de Kufa, près de al-Hirâ, sur un bras de l'Euphrate. Il y eut une armée byzantine sous les murs d'Émèse. Aussitôt Abû Ubayda appela des renforts. Yazid ibn Abî Sufyân vint de Damas, Muâwiya ibn Abî Sufyân vint de Césarée, quant à Khâlid ibn al-Walîd il resta à Chalcis, à réunir une armée en attendant des renforts venant d'Iraq. Puis Khalid ibn al-Walid arriva enfin et il conseilla à Abû Ubayda de tenter une sortie. Une bataille de quatre jours s'engagea. Trois mille byzantins furent faits prisonniers. L'Empereur byzantin se replia à Antioche (Antakya).
Puis se fut le tour de Jérusalem de tomber dans le domaine musulman, conquise par Muâwiya ibn Abî Sufyân, accompagné d'Amrû ibn al-Aç (janvier 637). Umar se rendit alors sur l'esplanade du Temple, il fit ses prières, là où se situe maintenant la mosquée al-Aqsa. Il ordonne la construction de la mosquée Qubbat al-Sakhra, sur le lieu actuel du Dôme du Rocher, sur l'esplanade du Temple à Jérusalem. Il confia la Palestine, Jérusalem et la côte méditerranéenne à Yazid ibn Abî Sufyân ; Abû Ubayda resta le gouverneur général de toutes ces régions.
En cette année 639, la Syrie du Nord jusqu'à Édesse passait sous domination musulmane et, avec la prise de Césarée, en 641, la conquête de la Syrie était achevée. Mais, une épidémie de peste ravagea la Syrie et en particulier le bourg d'Emmaüs ; elle fit deux victimes notables parmi les musulmans : Abû Ubayda et Yazîd ibn Abî Sufyân (639). Le commandement de la Syrie est alors confié à Muâwiya ibn Abî Sufyân, le frère de Yazid.
Entre 633 et 646, la Syrie est passée au pouvoir des Musulmans. La question syrienne étant réglée, les Musulmans vont se retourner contre les Perses.
Après la prise d'al-Hirâ en 633, Umar voulut profiter de la faiblesse relative de la Perse pour l'attaquer. Plusieurs affrontements s'en suivirent et la bataille finale eut lieu à al-Qâdisiyya en juin 637, non loin d'al-Hirâ. Elle dura quatre jours. Cette victoire des Musulmans fit entrer définitivement la région, rebaptisée "Iraq al-Arabi", dans le monde musulman ; un succès qui ouvrit l'Asie à l'Islam. Pour empêcher qu'une aide aux armées perses n'arrive par la mer, Umar fonda la ville de Bassorah à l'embouchure de l'Euphrate et y installa une garnison arabe.
L'armée d'Iraq s'étant reposée, elle repartit au combat sous les ordres de Sâad ibn Abî Waqqâs. Yazdigard III, le nouveau souverain perse, abandonna sa capitale Ctésiphon, et toutes ses richesses, sans combattre. La chute de la capitale de la Perse sassanide (devenue Madâin), la rivale de Constantinople, survenue seulement 16 ans après la naissance de l'Islam, leur livre la Mésopotamie. La fuite de Yazdigard III se poursuivit vers Rayy (en Iran). Puis la conquête du nord de l'Iraq se poursuivit avec la prise de Tikrît, puis celle de Mossoul (638). Les Arabes marchent ensuite sur Hamadhân et vainquent à nouveau les Perses à Nehavend en 644, remportant ce qu'ils nomment "la victoire des victoires" (Fath al-Futuh). Ils n'ont plus qu'à occuper le pays. Ils le feront lentement, car ils sont loin de leurs bases et la population leur est hostile. Les villes seront prises les unes après les autres. Le Khurâsan est occupé en 651, le dernier souverain sassanide, Yazdigard, y est assassiné près de Merv. La même année, les Arabes atteignent la rive méridionale de l'Amû Darya (Oxus).
En 628, les Byzantins avaient repris l'Égypte aux Sassanides et l'Empereur Héraclus en avait donné le commandement au patriarche d'Alexandrie, Cyrus. Or, la province était en proie à de profondes dissensions, car la population, copte dans une large majorité, supportait mal l'oppression religieuse du patriarche qui voulait la ramener dans le giron de l'Église orthodoxe ; en outre, elle était accablée d'impôts. Ainsi, l'arrivée des Arabes fut-elle, comme en Syrie, accueillie favorablement.
La conquête de l'Afrique débute par un raid exécuté contre l'Égypte sous le commandement d'Amrû ibn al-Aç en décembre 639. En traversant la Palestine, il reçut des renforts venant d'Irak. Devant l'avance d'Amrû les Byzantins quittent précipitamment leurs villes pour Alexandrie. Amrû passa en basse Égypte et s'empara de Péluse (Faramiya). Il pénètre ensuite dans le Delta et fait une incursion dans le Fayyum, le "verger de l'Égypte". En juillet 640, remontant vers le Nord, il remporte sur les Byzantins une victoire à Héliopolis ; Babylone d'Égypte capitula en avril 641. Le gouvernement byzantin, en proie à des luttes intestines à la suite de la mort d'Héraclus (11 février 641), ne put envoyer des troupes de secours en Égypte. Ensuite, les Arabes marchèrent sur Alexandrie qu'ils assiégèrent en juin 641. Le patriarche Cyrus fait évacuer la ville, le 17 septembre 642, et la livra aux troupes d'Amr ibn al-Aç. La ville fut momentanément reprise par les Byzantins en 645, mais récupérée très rapidement par Amr. Ce succès marque l'éviction des Byzantins hors d'Égypte.
Amr fonda la citadelle de Fustât (qui deviendra plus tard Le Caire), sur la rive droite du Nil. En 643, Il est nommé gouverneur (wali) d'Égypte. Il fit restaurer le canal reliant le Nil à la mer Rouge, pour transporter au Hidjâz le blé de l'Égypte ; il prend le nom de "canal de l'émir des croyants" en hommage au calife Umar.
Depuis l'Égypte, des raids furent lancés vers la Libye voisine. N'ayant pas rencontré de résistance de la part des tribus berbères autochtones et ayant vaincu les troupes byzantines, les Arabes prirent Barqa en 642, avant d'occuper la Cyrénaïque. À l'Ouest, Tripoli fut prise en 643. Mais Umar leur ordonne d'arrêter leur avance.
Avec cette conquête de l'Égypte prend fin la première phase de l'expansion musulmane. De l'Arabie, l'Islam s'est étendu sur tous les pays environnants ; il ne s'est arrêté que devant les obstacles naturels : montagnes du Taurus, de l'Iran oriental, d'Abyssinie, désert de Cyrénaïque. Les années qui suivent sont consacrées à organiser l'administration des pays conquis, tâche qui a été surtout celle du calife Umar.
Dès le premier siècle de l'Islam, une nouvelle force d'organisation politique, économique et sociale prend corps, l'Umma ou communauté des Croyants. Cette organisation revient à Umar ibn al-Khattâb, organisateur actif, doué d'une exceptionnelle sagesse politique, d'une volonté tenace et d'une énergie vigoureuse. Il eut à faire face aux problèmes de l'administration d'un vaste Empire avec ses provinces nouvellement conquises et au maintien des liaisons avec ses représentants. Pour administrer, Umar maintint les structures existantes et se contenta d'adjoindre aux autorités locales un gouverneur (amir) et un fonctionnaire des finances (amil) pour veiller à la collecte des différentes taxes. Pour mieux contrôler le pays conquis, il établit des camps militaires importants (amsâr). Les troupes commençaient à être organisées, recensées dans les diwâns (registres), et des urafâ s'occupaient de l'administration et de la justice aux armées.
On doit, également, à Umar l'institution de l'Hégire, nouveau calendrier musulman, dont il fixa la date au 15 juillet 622 : premier jour de l'année lunaire, 1er muharram, au cours de laquelle Muhammad émigra à Médine.
Umar disparut prématurément, le 3 novembre 644, à cinquante-trois ans, après dix ans de règne. Il fut poignardé dans la mosquée de Médine, pendant la prière du fajr, par un esclave persan, nommé Fayroûz et surnommé Abû Lou'loua. Il mourut trois jours plus tard des suites de ses blessures et enterré à Médine, à côté de la tombe de Muhammad et d'Abû Bakr.
Umar, sur son lit de mort, réunit une "shura" (comité ou conseil), composée de six des Compagnons du Prophète, tous Quraychites, en leur enjoignant de choisir l'un d'eux comme nouveau calife. Leur choix s'arrêta sur Uthman, qui appartenait à la grande famille des Umeyyades, un converti de la première heure.
Aristocrate mecquois et riche homme d'affaires, né en 576 à Taïf. C'était un compagnon et gendre du Prophète, seul Musulman de la première heure issu du clan des Banû Umayya. Sans grande personnalité, il n'avait d'autre prestige que sa piété. Faible de caractère, il n'inspirait pas le même respect que ses deux prédécesseurs. Sa désignation était la victoire de l'oligarchie marchande mecquoise des Quraychites, et parmi elle du clan des Banû Umayya, ralliée de la dernière heure, après avoir combattu le Prophète, et qui entendait profiter au maximum de l'accession de l'un des leurs à la plus haute charge de l'État.
Il fit partie, avec sa première épouse, Ruqayya, fille du Prophète, du petit contingent de Croyants qui se réfugia en Abyssinie, en 615, alors que la situation de la Communauté musulmane était des plus critiques. Revenu de cet exil pour émigrer à Médine avec les autres Musulmans de La Mecque, il n'est pas du premier combat majeur de l'Islam naissant, celui de Badr ; il doit veiller, sur ordre du Prophète, sa femme malade. Elle devait d'ailleurs mourir et enterrée lorsque le Prophète rentre de la bataille. Plus tard, il épouse une autre fille du Prophète, Umm Kalthum.
S'il a été absent au grand combat fondateur de Badr, il fut, cependant, un intermédiaire précieux entre les Quraychites et le Prophète, particulièrement les Banû Umeyya, lorsque Muhammad se prépare à revenir triomphalement à La Mecque, dans les dernières années de sa vie. Il aurait également participé aux côtés du Prophète à la bataille de Tabûk contre les Byzantins.
Pendant son règne, même s'il ne fut pas un grand conquérant, il n'a pas manqué de faire reculer autant qu'il le pouvait alors, les limites de l'Empire. Dès son avènement au califat, en 644, des expéditions partent pendant quatre ans pour traverser le Golfe persique et conquérir la province du Fars et reconnaître des terres en Afghanistan et Pakistan d'aujourd'hui.
L'Arménie est soumise en 645 à l'autorité des Arabes qui, commandés par le général Habib ibn Maslama, en chassèrent les Byzantins ; elle demeurera dans l'orbite arabo-musulmane jusqu'en 885. Les provinces orientales de l'Empire sassanide furent occupées, et Yazdigard disparut ; il sera assassiné en 651. Des opérations furent menées vers l'Ouest, le long de la côte septentrionale de l'Afrique, jusqu'à l'Ifriqiya (Tunisie actuelle).
Plus remarquables furent les opérations navales menées par Muâwiya, gouverneur de Syrie, et Abd Allah ibn Saad. En 646, on installe des chantiers de construction navale, qui manquait aux armées arabes. Pour la première fois, les Arabes utilisent la marine. En 648, Muâwiya attaque Chypre et Rhodes et en 649, avec Abd Allah ibn Saad, ils occupent la capitale de Chypre.
En 654, Muâwiya organise des razzias maritimes contre les îles grecques. Et, en 655, la flotte d'Abd Allah ibn Saad, venue d'Égypte, bat une escadre byzantine, commandée par Constantin II lui-même, à l'est de Rhodes. Ce fut la première victoire navale de l'Islam en Méditerranée, c'est la "bataille des mâts" qui sonne l'arrivée de l'Islam en Méditerranée. L'hégémonie byzantine en Méditerranée orientale disparaît et la victoire offre aux musulmans de nouveaux horizons.
Le bilan des douze années du règne d'Uthman, ne fut donc pas négligeable. La Conquête fut lente, déterminée et méthodique. Une puissance maritime est née, sans laquelle l'Empire n'eût pas survécu. L'Iran est totalement soumis et les Sassanides définitivement chassés de leurs derniers territoires. L'Occident lointain entre dans l'horizon des Arabes, puisque les voilà arrivés jusqu'en Ifrîqiya, où Abd Allah ibn Saad rencontre le patrice Grégoire, dans la province de Byzacène, le bat et le tue. Mais, si ces conquêtes furent malgré tout limitées et s'arrêtèrent pratiquement en 651, elles furent plus déterminées et méthodiques, préludes à d'ultérieures conquêtes.
Lorsqu'il accède au califat, Uthman hérite d'un Empire qu'il doit administrer, complétant les mesures déjà prises par son prédécesseur. L'afflux de richesses nécessitait des institutions financières ; il créa alors un diwan, ministère chargé des ressources de l'État. Ce ministère, "bayt al-mal" (Trésor Public), collecte les impôts et les redevances en nature issues des domaines agricoles. Les prises de guerre dépendent du "Diwan al-Jaych" (Département de l'armée), qui rassemble le butin mobilier, qui est redistribué ensuite aux guerriers de la manière la plus équitable possible ; très vite, ce partage fait place au paiement de soldes, sous forme de monnaie, nécessitant l'établissement de listes de militaires.
Dans les provinces, l'autorité gouvernementale est exercée par un wali (gouverneur), chargé de l'impôt foncier. De là, naît une administration d'État, avec le Calife au sommet.
C'est Uthman qui, le premier, ordonne la mise par écrit et l'uniformisation du texte sacré de l'Islam. Homme sincèrement pieux, il s'était inquiété des variantes apparues dans la récitation du Coran, en dépit de l'établissement d'un texte par Zayd ibn Thâbit, sous Abû Bakr, texte qui avait été peu divulgué. Donc, dès 650, le Calife entreprend d'établir un texte écrit immuable du Coran, un texte officiel donc et définitif. Il réunit, à cet effet, une commission présidée par Zayd ibn Thâbit.
De la sorte est né un Coran officiel, rassemblé en chapitres et sourates et connu sous le nom de "Vulgate d'Uthman" (ar-rasm al-uthmanî). Il en fit copier six exemplaires qu'il envoya dans les chefs-lieux des différentes provinces musulmanes, et dont un des exemplaires est détenu au musée de Tachkent, où il aurait été emmené par Tamerlan.
Dès l'arrivée d'Uthman au califat, les tensions s'accentuent. Lui manquait alors l'énergie et le talent organisateur de son prédécesseur. Il lui fut reproché, au cours de son règne, d'avoir trop favorisé les membres de sa famille, en les nommant à différentes hautes responsabilités politiques. Il prend, en effet, pour principal collaborateur son cousin, Marwân ibn al-Hakam, qui allait devenir plus tard calife à Damas. Il nomme son frère de lait, Abd Allah ibn Saad, à la tête de l'Égypte, en remplacement du conquérant de ce pays, Amr ibn al-Aç, et confirme son cousin au second degré, Muâwiya ibn Abi Sufyan, comme gouverneur de Syrie-Palestine.
Moins énergique que son prédécesseur, il n'a pas su gérer les dissensions et querelles nées entre les tribus de son entourage.
C'est d'Égypte que viendra le coup fatal. Les contingents de cette province s'agitent lors d'une absence de leur gouverneur, Abd Allah ibn Saad, parti rendre visite au Calife au printemps 656. Puis les mutins décident d'envoyer une délégation à Uthman, à Médine. Le Calife les reçoit, les rassure et les renvoie. Mais en route, ils interceptent un messager, porteur d'ordres du calife, enjoignant au gouverneur d'Égypte de s'emparer des chefs rebelles et de les exécuter. Les révoltés font alors demi-tour et reviennent à Médine. Uthman déclare qu'il s'agit d'un faux. Il s'enferme chez lui et demande à Muâwiya de lui envoyer de Syrie des troupes sûres pour le protéger. Les troubles éclatent alors à Médine, la maison de Uthman est assiégée. Uthman refuse d'abdiquer et, le 17 juin 656, les conjurés pénètrent de force dans la maison et tuent le Calife, plongé dans la lecture du Coran. Les Umeyyades voudront venger ce meurtre de l'un des leurs et ne tarderont pas à chercher et à trouver l'occasion.
C'est le premier meurtre politique d'un chef musulman par des Musulmans. De cet assassinat devait naître la première discorde entre Musulmans : "al-fitna al kubrâ" (la Grande Épreuve).
Après l'assassinat d'Uthman, la situation est trouble : les renforts umeyyades, envoyés par Muâwiya, étaient repartis vers la Syrie, les partisans du calife défunt s'étaient enfuis de Médine. Ali ibn Abû Talib allait bénéficier de la situation et réaliser enfin son rêve : être Calife.
Ali est le fils d'Abû Talib, oncle du Prophète, il est né vers 600, à La Mecque, une dizaine d'années avant le début de la mission prophétique de Muhammad. Il a été à la fois le protégé, le cousin, le disciple et le gendre de Muhammad, en épousant sa fille Fatima, née de sa première épouse Khadidja, en 622. Il fut proclamé Calife à Médine, après l'assassinat d'Uthman, avec l'appui des Ansârs qui, profitant du désarroi des Umeyyades, portèrent au pouvoir un adversaire d'Uthman. C'était la revanche des Médinois sur les Mecqois. Ali était donc l'élu des révoltés. Mais cette accession au pouvoir, dont il rêvait depuis la mort du Prophète, se faisait dans des conditions difficiles ; il héritait d'une fonction amoindrie par le règne d'Uthman et il passera cinq ans dans la cité de Kûfa sans trop régner.
Les événements qui venaient de se dérouler lui avaient si bien profité qu'aussitôt le bruit se répandit qu'il en était l'instigateur, sinon le coupable. Il allait rencontrer une forte opposition de la part des Compagnons, qui avaient fait fortune sous Uthman, ainsi que de la part des parents d'Uthman, et plus particulièrement de tous ceux qui se regroupèrent derrière Muâwiya. Ses alliés Talha et al-Zubayr se détachèrent de lui et rejoignirent Aïcha à La Mecque. Il avait pour lui des gens fidèles à la famille du Prophète, les ennemis de Aïcha et surtout la population des trois grandes places militaires (amsâr) nouvellement fondées, Basra et Kûfa en Iraq et Fûstat en Égypte, qui s'étaient débarrassées des gouverneurs nommés par Uthman.
La première manifestation d'opposition fut l'oeuvre de Talha et d'al-Zubayr, deux membres de la shûrâ, ainsi que d'Aïcha, deçus dans leurs ambitions ; ils se rendirent à Basra, espérant gagner la ville à leur cause et de là agir contre Ali. Ali réagit et, avec les contingents de Médine et de Kûfa, livra une bataille victorieuse à ses adversaires, dite "bataille du Chameau (qui tire son nom de la présence du chameau supportant le palanquin où se trouvait Aïcha, qui assistait de loin aux combats) : ce fut la première guerre civile entre Musulmans (9 décembre 656). Les troupes de Talha et al-Zubayr, sont écrasées, et les deux chefs périrent dans le combat ; Aïcha est faite prisonnière, mais, avec tout le respect dû à la veuve du Prophète, elle est renvoyée à Médine, qu'elle ne quittera plus jusqu'à sa mort, en 678.
Mais Ali n'avait plus pour lui que l'Iraq ; l'Arabie et l'Égypte restaient neutres ; quant à la Syrie, avec Muâwiya, lui résistait. C'est l'une des raisons pour lesquelles Ali transféra le siège du califat à Kûfa, qui allait rester le foyer de la propagande alide.
Après la bataille du Chameau, ceux qui réclamaient la vengeance du sang du calife assassiné se regroupèrent avec l'aristocratie du clan umeyyade. À la tête de l'opposition, se trouve désormais le gouverneur de la Syrie, Muâwiya ibn abi Sufyan, proche parent d'Uthman, dont il impute l'assassinat à Ali, puisqu'il en était le bénéficiaire, et réclamant justice pour le meurtre du calife.
Après son succès sur Talha et al-Zubayr, Ali espère ramener Muâwiya à l'obéissance, en désignant un nouveau gouverneur de Syrie ; Muâwiya refuse de céder la place. Ali voulut le mettre à la raison et, à la tête de ses troupes, marcha contre les Syriens. Au printemps 657, les deux armées se trouvèrent face à face dans la plaine de Siffin, sur la rive droite de l'Euphrate. Ce sera le premier grand affrontement armé entre Musulmans, qui fut lourd de conséquences pour l'Islam et les Musulmans et dont les retombées sont encore actuelles.
Lors de cette bataille, qui eu lieu le 26 juillet 657, le sort des armes tourna à l'avantage des partisans d'Ali, quand soudain, sur les conseils d'Amr ibn al-Aç, le conquérant de l'Égypte, ses adversaires accrochèrent des feuillets du Coran à la pointe de leurs lances, pour demander l'arrêt des combats fratricides et exiger un arbitrage, montrant ainsi qu'il fallait s'en remettre au jugement de Dieu et non aux armes. Ali, plein de scrupules, s'y soumis ; mais tandis qu'il désignait comme arbitre Abû Mûsa al-Ashari, neutre dans le conflit, estimant que seul quelqu'un de neutre pourrait avoir un jugement clair, Muâwiya, pour sa part, désigna Amr ibn al-Aç, personnage habile et rusé, partisan dévoué. En acceptant le principe de l'arbitrage, Ali s'était mis en position d'infériorité et abandonnait ses prérogatives de calife. L'arbitrage (janvier 658) lui fut défavorable en vertu de ses responsabilités présumées dans le meurtre de Uthman, et il fut déclaré déchu du califat. N'attendant pas le résultat du verdict, certains partisans d'Ali, ne lui pardonnant pas d'avoir accepté de remettre en cause la légitimité que Dieu, par le sort des armes, semblait lui confirmer, et consenti ainsi par cet arbitrage à "soumettre la Volonté de Dieu au jugement des hommes", se révoltèrent, le proclamèrent déchu et "sortirent" alors des rangs pour faire scission, d'où leur nom de Kharidjites ("les Sortants") et se retirèrent dans la province de Nahrawân. Ali, de son côté, les qualifia d'hérétiques et d'hétérodoxes. Le schisme kharidjite venait de naître. Il n'allait pas cesser de provoquer mille querelles au cours des siècles à venir.
Les suites de la bataille de Siffin furent tragiques. L'année suivante, Ali retrouve ses farouches ennemis, les kharidjites, à Nahrawân, sur le Tigre (17 juillet 658), et les écrase sans pitié. Quant à Muâwiya, il triomphait du gouverneur nommé par Ali, pour le remplacer, confiait la province d'Égypte à Amr, menait des raids contre l'Iraq et contrôlait le Hidjaz et, en mai 660, il est proclamé solennellement calife par ses fidèles. Le désordre est à son comble parmi la Communauté des Croyants, écartelée entre Ali, Muâwiyya et les Kharidjites. Trois années plus tard, le 21 janvier 661, Ali est assassiné à la sortie de la mosquée de Kûfa, par Abd al-Rahman ibn Muldjam, un kharidjite, qui vengeait à la fois le massacre de Nahrawân et le meurtre de Uthman. Il est enterré à Nadjaf, en Iraq, où son mausolée fait l'objet d'une grande dévotion lors des pèlerinages chiites. La grande discorde est terminée, l'Empire se rassemble sous un nouveau calife, mais les Musulmans sont pour toujours divisés.
La mort d'Ali met fin à la période des Califes dits orthodoxes ou les "biens guidés" (al Rashidun) ; les quatre premiers califes accédèrent au pouvoir selon une procédure non pas héréditaire, mais élective. Leur règne représente l'âge d'or pour les musulmans orthodoxes. Pourtant, bien que "d'inspiration droite", tous, sauf le premier, périrent de mort violente, et, si Umar ibn al-Khattab tomba sous les coups d'un esclave chrétien, mécontent de son sort, Uthman et Ali, furent assassinés par des rebelles arabo-musulmans et, plus grave, la mort du quatrième, Ali, marque, à peine un quart de siècle après la mort du Prophète, le début du clivage qui existe entre les Musulmans ; la communauté musulmane s'est alors scindée en trois groupes politico-religieux :
La très grande majorité des Musulmans actuels. Partisans du Coran et de la "Sunna" (la Tradition du Prophète et de ses compagnons), ahl as-Sunna , pour qui toutes les règles juridiques liées au culte et à la vie en société tiennent compte du Coran d'une part, de la conduite du Prophète d'autre part. Ils acceptent, également, la situation historique telle qu'elle s'impose et reconnaissent donc la légitimité des quatre premiers Califes, dits de Médine, et pour qui la succession du Prophète doit, nécessairement, être issue de la tribu du Prophète, les Qurayches, mais pas nécessairement de sa lignée directe.
Adeptes d'Ali, de son parti (Shiât Ali). Ils dénient toute légitimité aux trois premiers califes, car ils estiment que le califat doit être héréditaire et donc rester dans la famille du Prophète, par son gendre Ali, époux de Fatima, fille du Prophète, ses petits-enfants, al-Hasan et al-Husayn et leurs descendants. À leurs yeux, le gendre du Prophète était dépositaire d'une légitimité de sang ; les Chiites se considèrent donc comme les seuls "vrais" musulmans.
De plus, le schisme ne reconnaît pas l'interprétation communautaire du Livre et de la Tradition ; il proclame que l'autorité doctrinale est dévolue à l'Imam (le Préposé), dont l'infaillibilité le place comme médiateur entre Allah et ses créatures, et Ali en serait le Premier Imam. Ils attendent le Mahdi le "Sauveur", dernier descendant d'Ali, qui doit apparaître avant le Jugement dernier, pour sauver le monde et assurer le triomphe de la paix et de la justice. Ils prônent également une jurisprudence différente de celle des sunnites, d'où un "clergé chiite" - les mollahs - chargé de l'appliquer.
De la succession des Imams, vont naître plusieurs sectes parmi les Chiites, dont les principales sont :
Ils suivent la descendance d'al-Husayn, le second fils d'Ali, tué à la bataille de Kerbala en 680 contre les Umeyyades, jusqu'au douzième imâm, disparu "mystérieusement" en 874, et considéré comme le Mahdi (le Bien Guidé) ou imam caché, dont les Chiites attendent le retour pour assurer le triomphe de la paix et de la justice sur terre. Ils furent nommés imamites, ou duodécimains parce qu'ils reconnurent douze imams. Ils sont majoritaires (90 % des Chiites) parmi les écoles de la pensée chiite. Ils sont considérés comme la branche orthodoxe du Chiisme.
Partisans du septième Imam, Ismaïl, septième et dernier des descendants d'al-Hasan, fils aîné d'Ali. Leurs successeurs sont les "imâms cachés", dont l'un doit réapparaître un jour comme le mahdi salvateur. On donna à ceux qui suivaient ce point de vue le nom d'Ismaïliens, parce qu'ils demeuraient dans l'orbite d'Ismaïl, ou de septimaniens parce qu'ils reconnaissaient sept imams. Ils se subdivisent en plusieurs sous-sectes, différentes les unes des autres dans leurs principes et dont se réclament les Fatimides, les Qarmates, les Druzes ...
Ils forment une branche dissidente du chiisme ismaïlien/septimanien ; ils auraient été les disciples de Hamdan Qarmate, un dirigeant ismaïlien de l'Iraq méridional. Ils furent les instigateurs de plusieurs révoltes contre la califat abbasside en Iraq, en Syrie, dans le Golfe et en Arabie, et contre le pouvoir fatimide égyptien, à la fin du IXe siècle et au Xe siècle. En 929-930, ils mirent à sac la ville sainte de La Mecque, dix-sept jours durant, et dérobèrent la pierre noire sacrée de la Kaaba qu'ils détinrent pendant deux décennies. Ils eurent un temps leur État à Bahrayn, qui tomba en 1077 et eurent quelques attaches au Maghreb.
En 1094, en Égypte, à la mort du calife fatimide, al-Mustansir, son vizir, al-Afdal, portait au pouvoir le jeune Ahmad, qui recevait le surnom d'al-Mustâli ; Nizâr, le fils aîné, se révoltait ; il fut capturé et emmuré vivant dans son cachot. Un daï ismailien venu de Perse, Hasan i-Sabbâh, appuya les prétentions de Nizâr à l'imâmat et accrédita le bruit qu'il avait pu s'évader. La "dawa" au nom de Nizâr fut propagée depuis la région montagneuse du Daylam. Ainsi, naquit le mouvement nizârite, dont les affidés furent les fidâwiya connus en Occident sous le nom d'assassins
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En 657, à la bataille de Siffin, un groupe de musulmans refusa d'emblée l'arbitrage, au motif que Dieu seul était en mesure d'opter en faveur de l'un ou de l'autre des belligérants. Ces "sortants" ou kharidjites, constituèrent un groupe distinct. Ces dissidents, hostiles à toute idée dynastique, et pour qui n'importe quel Musulman peut aspirer au Califat, s'il en est digne et compétent, sans distinction de race ou de clan.
Leur nombre n'excède pas 1 % de l'ensemble des musulmans. Fuyant les persécutions des Chiites orthodoxes, ils se sont réfugiés dans un ensemble de pays et de places fortes répartis sur un arc de cercle allant du Sultanat d'Oman jusqu'en Tunisie (île de Djerba), en passant par le Yémen, la Libye (le Djebel Nefussa) et l'Algérie (la Pentapole du M'zab), sans oublier Zanzibar et quelques comptoirs du golfe Persique.
Ils se divisent eux-mêmes en plusieurs tendances : Ibadites, les plus nombreux, Sofrites, Azraquites, Nakkarites...