L'Arabie, vaste péninsule, à l'extrémité sud-ouest de l'Asie, située entre la mer Rouge et le Golfe arabo-Persique sur la mer d'Oman, de 3.000.000 km2, soit environ 4 fois la France. Son relief est constitué d'un vaste plateau, le Najd, qui descend en pente douce vers le Golfe Persique et qui domine la Mer Rouge par son bourrelet montagneux, le Hedjaz et l'Asir à l'ouest et le Hadramaout au sud. Le désert est omniprésent, notamment le Rub al-Khali (le quart vide) au sud-est et le Nefoud au nord-ouest.
Le climat est très aride et les températures estivales voisinent les 50°.
Dans ce vaste pays en partie désertique, rude, inhospitalier, vivaient, au début du VIIe siècle, d'une part des nomades, les Bédouins, guerriers valeureux, vivant sobrement d'élevage de chameaux, de moutons ou de chèvres et pillant à l'occasion les nombreuses caravanes qui sillonnaient le pays. D'autre part, des agriculteurs sédentaires qui faisaient pousser leur blé ou soigner leurs palmiers dans les oasis, et des commerçants et des artisans, dans les petites villes marché. De ces villes marché, La Mecque se distingue comme centre commercial et déjà comme lieu de culte, mais, aussi, comme étape obligée pour les nombreuses caravanes qui sillonnent le pays, du Yémen à la Palestine et de l'Éthiopie au Golfe Persique. La ville est, également, lieu de pèlerinage et l'on vient chaque année visiter La Kaaba et vénérer ses idoles. Les commerçants les plus fortunés commerçaient avec les pays voisins, échangeant épices, encens, soieries, armes et esclaves.
Ces deux populations vivaient en parfaite symbiose ou plutôt en complète complémentarité.
Les familles arabes de l'époque étaient organisées selon le mode patriarcal, réunissant les descendants mâles et leurs familles. Plusieurs familles se rassemblaient, exprimant leur solidarité en se réclamant d'une ascendance commune, pour former la Tribu. L'autorité de la tribu incombait aux chefs de familles (les Cheikhs) ou encore à une seule famille qui dominait toutes les autres, soit militairement, soit grâce au prestige moral et religieux dont elle jouit. Et ces différentes familles étaient plus ou moins autonomes, car, avant l'émergence de l'Islam, l'Arabie n'avait jamais été unifiée en une seule entité.
De ces tribus, l'une d'entre elles devait se distinguer à La Mecque, celle des Qurayches, qui avait l'insigne privilège de veiller à l'intendance du sanctuaire de La Kaaba.
De cette puissante tribu, par une modeste lignée paternelle, est issu Muhammad, le futur Prophète de l'Islam.
À l'aube du VIIe siècle, l'Arabie était enclavée entre deux grands empires. L'Empire de Byzance, chrétien, à l'ouest, qui a remplacé Rome, s'étend jusqu'au Sud de l'Europe, contrôlant la Grèce, l'Anatolie et l'Italie du sud, ainsi que l'Égypte et les côtes l'Afrique du Nord.
À l'Est, les Sassanides, mazdéens, étendant leur autorité sur les territoires actuels de l'Irak et de l'Iran et une partie de l'Asie Centrale. Leur capitale était Ctésiphon, dans le centre fertile et peuplé de l'Iraq.
Ces deux grands Empires se firent longuement la guerre en cette fin du VIe siècle et début du VIIe ; elle dura, avec des périodes de trêve, de 540 à 629 et fut livrée essentiellement en Syrie et en Irak, dans cette région que l'on appelle "le Croissant fertile" ; mais l'Arabie elle-même n'était pas à l'abri de leurs convoitises. D'ailleurs, ces deux Empires ont déjà occupé certaines parties du pays dans le passé : les Romains au IIe siècle et les Perses au VIe.
À ces deux grandes puissances, il faut, également, mentionner, de part et d'autre de la Mer Rouge, deux autres sociétés dotées d'une tradition de pouvoir politique organisé. L'une était l'Éthiopie, antique royaume qui professait le christianisme monophysite comme religion d'État. L'autre le Yémen, État centralisé doté d'une civilisation développée et très élaborée, alors à son déclin, dans le sud-ouest de la Péninsule arabique.
Et pour être complet, il faut signaler l'existence, au Nord, en bordure du désert, de deux États dynastiques, arabes, sous la tutelle respective des deux Empires limitrophes, Byzance et la Perse. Ces deux états tampon, celui des Ghassanides alliés de Byzance et celui des Lakhmides de Hira sur l'Euphrate, allié à la Perse sassanide, étaient chargés de surveiller la turbulence anarchique des tribus du désert, tout en servant de moyens de communication avec la Syrie byzantine et la Mésopotamie sassanide.
Les Arabes, pour leur survie, devaient donc combattre et les uns et les autres. Et c'est à ce moment précis qu'un grand événement allait bouleverser les données de l'Histoire :
L'Avènement de l'Islam, qui allait permettre aux Arabes, unis dans une foi commune, de conquérir le monde.
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Muhammad appartenait à la famille des Banû Hâshim ; son grand-père, Abd al-Muttalib, personnage important, était le gardien de la Source de "Zemzem" et tenait en héritage une des charges principales du pèlerinage de La Mecque, la "Siqâya" ou distribution de l'eau aux pèlerins ; il s'occupait en outre de commerce avec la Syrie et le Yémen.
Abd al-Muttalib eut dix fils, parmi lesquels Abdallah ; celui-ci épousa Amina bint Wahb dont il eut un seul enfant, Muhammad. Abdallah mourut à Yathrib avant la naissance de son fils, laissant sa femme dans une situation précaire.
Muhammad naquit le 12e jour du mois de Rabie al-awwual, l'année de l'expédition d'Abraha, général abyssin, contre La Mecque (année de l'Éléphant), soit le 29 août 570 de l'ère chrétienne.
L'enfance et l'adolescence de Muhammad sont mal connues. On sait cependant, que peu de temps après sa naissance, il fut confié à une nourrice Halima bint Abû Dhouïb, pour l'élever à la campagne, où l'air était plus sain pour les nourrissons, et ce, jusqu'à l'âge de quatre ans.
Au retour d'un voyage à Yathrib, où elle l'avait emmené dans sa famille, Amina mourut subitement. Le jeune orphelin, à peine âgé de sept ans, fut ramené à La Mecque où il fut recueilli par son grand père, Abd al-Muttalib. Mais celui-ci mourut deux ans plus tard ; de nouveau orphelin, il fut recueilli dans la maison de son oncle Abu Talib.
Quelques temps après l'entrée de son neveu dans sa maison, Abu Talib eut à organiser une caravane de Qurayche à destination de la Syrie et il y emmena Muhammad. Au cours d'une halte, le moine Bahira, ermite dans la région de Bosra, reconnu en lui les signes d'une haute destinée et il en averti Abu Talib pour veiller sur lui.
On ne sait rien d'autre sur la jeunesse de Muhammad, ni sur sa formation religieuse ou sa culture. Mais grandissant et devenant un jeune homme accompli, sa probité et sa générosité lui valurent le surnom d'"al-Amine" (l'homme sûr).
Une riche et noble veuve, Khadidja bint Khuwwaylid, ayant entendu vanter la réputation de sagesse et de probité de Muhammad, lui confia, alors qu'il n'avait qu'une vingtaine d'années, la direction de ses intérêts et pour accompagner ses caravanes en Syrie. Par la suite, Khadidja proposa à Muhammad de l'épouser, ce qu'il accepta. Il n'avait alors que vingt-cinq ans, alors que Khadidja approchait de la quarantaine. Khadidja fut la première femme de Muhammad et son unique compagne tant qu'elle vécut.
Khadidja fut une épouse accomplie et surtout sa première adepte en Islam. Elle lui donna sept enfants, trois garçons, morts en bas âge (Abdallah, également surnommé Tâhir, Tayeb et al-Qâsim), et quatre filles (Ruqayya, Zaïnab, Umm Kalthûm et Fatima).
Sans abandonner complètement ses activités professionnelles, Muhammad se consacre de plus en plus à des retraites pieuses. Il se retirait à l'écart du contact des humains, et s'adonnait à la méditation et au recueillement. Il était monothéiste ou "Hanif" (croyance en un seul Dieu d'Abraham).
Au cours d'une de ses retraites, dans une grotte qu'il fréquentait au mont Hira, lui est apparu l'ange Gabriel, qui lui ordonne de prêcher et lui annonce qu'il est "l'Apôtre d'Allah". C'était le vingt septième jour du mois de Ramadhan et il avait atteint la quarantaine.
Dès cette nuit à jamais mémorable, connue sous le nom de "Lilat al-Quadr" (ou Nuit du Destin) les paroles d'Allah qui composent Le Coran lui furent révélées, sourate après sourate, pendant une période de vingt-trois ans.
Les trois premières années la mission ne fut révélée qu'à quelques intimes : Khadidja, Ali, son cousin, Zayd, un affranchi devenu son fils adoptif, Abu Bakr, son futur beau-père et Uthman, son futur gendre.
Puis vers 613, Muhammad se décide à apporter la Révélation à ses concitoyens et d'abord aux membres de sa tribu, les Quraychites. Le message fut non seulement rejeté, mais ils vont le persécuter, lui lancer des sarcasmes, de s'en prendre aussi à ses fidèles. Certains de ces derniers, sur les conseils du Prophète, se réfugieront en Abyssinie, dont le chef, le "négus", était réputé pour sa tolérance et sa justice.
La communauté musulmane de La Mecque se renforce peu à peu, surtout après l'adhésion d' Umar ibn al-Khattab, personnage haut en couleur et réputé pour son courage et son franc- parler.
Mais, en 619, Muhammad perd simultanément, à quelques jours d'intervalle, sa femme Khadidja et son oncle et protecteur Abu Talib, qui fut remplacé à la tête des Banû Hâshim par son frère, Abû Lahab, un des adversaires les plus tenaces de Muhammad. Dès lors, les persécutions redoublèrent envers le Prophète et ses adeptes.
Muhammad chercha, alors, à émigrer dans une autre cité. Sa première tentative fut dirigée sur Taïf, petite bourgade située à l'Est de La Mecque, dans une région fertile et prospère. Mais il fut éconduit de mauvaise manière.
Il se tourna alors vers les Arabes de l'extérieur, venant en masse, régulièrement, en pèlerinage autour de la Kaaba pour honorer leurs nombreuses idoles. C'est ainsi qu'il put aborder un groupe de six habitants de Yathrib, de la tribu des Khazradj, qu'il arriva à convaincre. Ces nouveaux convertis, de retour chez eux, répandirent autour d'eux la nouvelle doctrine de l'Islam, et, l'année suivante, de retour à La Mecque, un groupe de douze habitants de Yathrib, rencontrèrent Muhammad à Aqaba et lui prêtèrent serment de fidélité et lui proposèrent de l'accueillir, en même temps que ses fidèles, dans leur cité. Celle-ci, située à environ 350 km au Nord de La Mecque, était habitée par deux tribus arabes, les Awz et les Khazradj, ainsi que trois tribus juives arabisées, les Nadhir, les Qorayza et les Qaynoqa.
Ayant ainsi un lieu de refuge pour ses fidèles, Muhammad fit partir, par petits groupes, les Musulmans de La Mecque. Lui-même, avec Abu Bakr, partis les derniers à l'insu des Mecquois, arriva à Yathrib, leur nouvelle "patrie" devenue "Madinat al-Nabi (la ville du Prophète), ou par abréviation "al-Madina (Médine), le 12 rabie al-awwal (24-09-622). Cette date sera celle de "l'Hégire" (Hidjra ou émigration), qui marque la première année du calendrier d'une nouvelle ère : le calendrier hégirien.
Après avoir édifié une Mosquée (masjid), comme lieu de prière, établi les obligations des Musulmans envers l'Islam et dicté les piliers de la religion, Muhammad songea à reconquérir La Mecque.
Nous passerons rapidement sur les différentes batailles ou escarmouches, qui émaillèrent les années qui suivirent, entre Musulmans médinois et idolâtres mecquois et leurs alliés.
La première de ces campagnes, fut celle de Badr initiée par le Prophète pour s'emparer d'une caravane des Qurayches, venant de Syrie, richement achalandée et devant passer non loin de Médine. La caravane, finalement, fut détournée par son chef Abû Sufyân, et arriva indemne à sa destination ; mais une bataille fut livrée, à Badr, et les Musulmans en sortirent vainqueurs. Au cours de cette bataille Abu Djahel, un des pires ennemis de Muhammad y perdit la vie.
Pour venger Badr et libérer la route caravanière vers la Syrie, Abû Sufyân, un autre des ennemis jurés du Prophète leva, en mars 625, une armée et alla attaquer les Musulmans à Uhud. La bataille tourna à l'avantage des infidèles, grâce à leur stratège Khalid ibn Walid. Cette bataille n'eut cependant pas de funestes conséquences, malgré le nombre de soixante-dix martyrs dont Hamza l'oncle du Prophète. De plus, les Qurayches ne poursuivirent pas leur avantage.
Après Uhud, les Qurayches, sous le commandement de Abû Sufyân, s'efforcent de rallier à leur camp les tribus bédouines du Hedjaz ; et, en mars 627, Abû Sufyân réunit une grande coalition et marche sur Médine. Informé, Muhammad fait creuser un fossé (Khandaq) pour défendre la ville. Le siège entrepris par les Mecquois ne donnant aucun résultat, en dépit des appels à la tribu juive des Banû Qorayza pour se joindre à eux, Abû Sufyân et ses troupes se retirent, laissant à Muhammad le bénéfice du succès. Celui-ci décide alors d'éliminer la dernière tribu juive de Médine ; comme il avait déjà éliminé, après la bataille de Badr, la tribu des Banû Qaynoqa, la plus importante de Médine, et, après Uhud, la tribu juive des Banû Nadhir, compromise avec les Quraychites, fut obligée de quitter Médine pour Khaybar.
En février 628, Muhammad décide d'aller en pèlerinage à La Mecque. Parti avec une troupe de fidèles, il arrive à la limite du territoire sacré et ne peut aller plus loin, les Quraychites ayant mobilisé leurs forces. Puis les deux camps, voulant éviter l'affrontement, parviennent à conclure une trêve, puis un traité de paix, traité d'al-Hudaybiyya, en mars 628. Par ce traité Muhammad, renonce à accomplir le pèlerinage pour cette année, mais pourra s'y rendre à La Mecque l'année d'après, pendant trois jours. La trêve est conclue pour dix ans. En 629, le pèlerinage eut lieu, comme convenu, dans la ville momentanément abandonnée par les Quraychites. C'est une victoire pour le Prophète et ce succès va accroître son prestige et son autorité et va lui valoir des adhésions importantes, telles celle de Amr ibn al-Aç, futur conquérant de l'Égypte, et de Khalid ibn Walid, futur grand stratège des armées musulmanes. L'accord lui vaut également de nombreuses conversions parmi les tribus bédouines du Hedjaz ; Hedjaz qui, dès 630, lui est complètement acquis. Plus tard, deux des principaux Quraychites se convertissent à l'Islam : Abbas, un oncle du Prophète, et Abû Sufyân, l'homme le plus influent de La Mecque et l'adversaire le plus farouche.
En janvier 630, prenant prétexte du meurtre d'un Musulman, Muhammad rompt la trêve de Hudaybiyya, lève une armée considérable et marche sur La Mecque. Abû Sufyân, nouvellement converti, fait accepter aux Mecquois les conditions de Muhammad et le 20 Ramadhan de l'an VIII (11 janvier 630), Muhammad et son armée pénètrent dans la ville ; il se rend au sanctuaire de la Kaaba, en fait sept fois le tour, après avoir touché la Pierre Noire. Il fit alors abattre les idoles qui s'y dressaient sur le parvis du sanctuaire. Il déclare sacrée l'enceinte du sanctuaire et en confie la garde à Uthman ibn Talha. Il accorde son pardon à ceux qui étaient hier ses ennemis et reçu enfin la "bay'a", serment par lequel la population mecquoise jure fidélité et obéissance au Prophète.
Après avoir passé quinze jours à La Mecque, Muhammad rentre à Médine, ayant entre temps soumis et converti les tribus de Taïf.
L'an IX de l'Hégire (mars 630-mars 631) vit le ralliement de nombreuses tribus bédouines à travers toute la péninsule, y compris au Yémen et Oman. Il organise, également, une expédition, vers la fin 630, contre les troupes byzantines en Jordanie. Finalement, cette expédition s'est réduite à une défaite à Mu'ta près de la mer morte. Jafar ibn Abû Talib (frère de Ali) et Zayd ibn Hâritha, le fils adoptif du prophète, y trouvent la mort.
Au mois de Dhou al-hidjah an X de l'Hégire (mars 632), Muhammad effectue le pèlerinage à La Mecque à la tête d'innombrable fidèles ; c'est le pèlerinage de l'adieu. Bien que déjà atteint par la maladie, il accomplit tous les rites, prêche encore une fois au mont Arafa, déclarant sacré le territoire de La Mecque, sacré aussi le mois du pèlerinage et exhortant les Arabes à demeurer unis après lui. À cette occasion, il reçu la dernière révélation (Coran, 110, 1-3).
De retour à Médine, l'état de Muhammad s'aggrava. Il demeura dans la demeure de son épouse Aïcha, et confia à son beau-père, Abu Bakr, le soin de diriger la prière. Il mourut le lundi 13 Rabîe al-awwal de l'an XI de l'Hégire (8 juin 632). Il fut enterré discrètement par Ali et Abbas et leurs partisans. Ainsi disparaissait le dernier des Prophètes abrahamiques.
Plus tard, fut édifiée la mosquée qui abrite son tombeau, objet de vénération de tous les Musulmans.
Durant son séjour à Médine, Muhammad a réussi à jeter les bases d'un État arabe, musulman et accepté par tous les Arabes, avec passage sans heurt de l'institution tribale à l'institution communautaire et unis dans une foi unique, "al-Umma".
Cette cohésion va déboucher sur un enthousiasme conquérant qui va bouleverser le monde pour plusieurs siècles.
Quraysh | |
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Qusay | |
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Abd Manâf | |
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| Abd Shams | |
| Hâshim | |
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Umeyya | |
Abd al-Muttalib | |
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| al-Abbas | |
| Abdallah | |
| Abû Talib | |
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MUHAMMAD | | | |
Les Califes umeyyades | Les Califes abbassides | | | |
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Fatima | |
Ali | |
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| al-Hasan |
| al-Husayn | |
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Les Imams alides |